À propos

L’histoire d’un événement historique

C’est en 2002, à Sherbrooke, qu’a vu le jour le Rendez-vous d’Howard, dans le cadre du Bicentenaire de Sherbrooke, hameau fondé en 1802 (1802-2002).

L’événement se voulait à l’origine une simple fête de quartier. Il a rapidement intégré la thématique Arts-Nature-Culture à ses activités. Ayant comme lieu d’accueil, le magnifique Domaine Howard, le Rendez-vous d’Howard s’est imposé  incontournable, dès la toute première conférence de presse de l’événement. 

Présidente de l’événement depuis sa création, Chantal L’Espérance a pu compter sur l’implication de nombreux administrateurs et bénévoles de tous les milieux pour servir l’organisation. Certains d’entre eux s’en sont allés, certains ont été remplacés, mais tous ont donné le meilleur d’eux-mêmes, afin que le Rendez-vous atteigne l’envergure qu’on lui connaît maintenant.

Malgré des moyens modestes, le comité organisateur des premières éditions aura toujours cherché à se distinguer. Fier et innovant, il s’inspire encore de la notoriété du lieu qui évoque les célébrations richissimes, les réceptions mémorables et l’activité sociale de la Famille Howard.  Depuis les années folles, celle-ci occupait d’ailleurs brillamment le Domaine.

La visite des pavillons historiques est sans contredit l’attraction maîtresse du Rendez-vous d’Howard. Mais l’événement met aussi en valeur le talent des artistes, des artisans, exposants et interprètes du patrimoine, qui se déploient alors en pleine nature sur plusieurs plateaux et sur autant de scènes ou chapiteaux dans le but avoué de présenter au public le fruit de leur art.

Musiciens et chanteurs de tous les styles, comédiens des arts de la scène, conteurs, peintres, amuseurs publics, maquilleurs et horticulteurs font ainsi le bonheur des visiteurs. Ceux-ci se réjouissent aussi des animations diverses, telles que fermette, dégustations de produits locaux ou de scotchs et de whiskys, feux d’artifice, tours de carrioles, services de Thé à l’anglaise, interprétations du patrimoine, soupes populaires, confections de tartes aux pommes…

D’une seule journée d’activités à ses débuts, l’événement se déploie désormais sur une longue fin de semaine.  Rien n’est alors épargné pour faire revivre la magie d’une époque révolue, mais significative pour la renommée de Sherbrooke. Enrichi de l’histoire exceptionnelle des Cantons-de-l’Est, du patrimoine architectural des demeures de granit gris et du lieu enchanteur du parc du Domaine, le Rendez-vous d’Howard poursuit son devoir de mémoire, celui plus formel de Charles Benjamin Howard au moment de céder son joyau en héritage à la Ville de Sherbrooke en 1964.

Charles Benjamin Howard

Homme politique et homme du peuple

Charles Benjamin Howard est né le 27 septembre 1885 dans le comté de Stanstead. Canadien anglais de naissance et de religion méthodiste, il est le fils de Benjamin Cate Howard et d’Helen Eloïsa Salls, de descendances irlandaise et écossaise.

À l’âge de 15 ans, Charles Benjamin devient l’employé de son père. Il se joint très tôt aux entreprises déjà florissantes de la famille au Québec. En 1908, il devient associé de son oncle David Johnson Salls et de son père. Au décès de celui-ci à l’âge de 57 ans, Charles B. hérite d’une généreuse fortune, en démontrant un sens aguerri des affaires. Charles B. est nommé alors, à 38 ans, président de la compagnie. Homme d’affaires ambitieux, il réorganise les entreprises et fait construire de nouveaux moulins ailleurs au Québec. Outre le temps qu’il consacre à ses finances et à sa vie sociale trépidante, Charles B. développe un sens aigu des responsabilités civiques et il ne manque pas de s’impliquer auprès d’institutions et d’organismes de tout acabit. Gestionnaire né, il voit au bon fonctionnement du Sherbrooke Trust, de La Tribune, de La Sherbrooke Pure Co. et du Sherbrooke Hospital.

En plus d’être un homme d’affaires très actif dans le commerce du bois, Charles Benjamin Howard est élu député fédéral. Comme représentant du comté de Sherbrooke à la Chambre des Communes, il siégera au Parlement d’Ottawa dès 1925 et sera élu jusqu’en 1940.   Philosophe à ses heures, le Député Howard s’exprimait d’ailleurs avec éloquence aussi bien en français qu’en anglais, ce qui lui conférait un avantage lors de ses campagnes électorales.

En février 1940, il accède au Sénat, à la division de Wellington, sous la recommandation du Premier Ministre du Canada, William Lyon MacKenzie King. Dix ans plus tard, le 28 mars 1950, il est élu maire de la Ville, le 49e et dernier maire anglophone de l’histoire de Sherbrooke. Pour l’ensemble de son oeuvre au bénéfice de la société canadienne, il est honoré de la médaille du Jubilé de George V et de Marie d’Angleterre, puis de la médaille du Couronnement de George VI.

Bien en chair et surtout de bonne nature, Charles B. a cumulé de nombreux amis, tant au Canada que dans le monde. Sa légendaire bonhomie a fait de lui une personne appréciée dans les milieux politiques et d’affaires.

Par ses fonctions, il aura le privilège de recevoir le Gouverneur Général du Canada et son épouse, le 30 août 1927, au Domaine Howard. Lors de cette réception donnée en l’honneur de son Excellence le Duc de Willingdon et de la Duchesse, en présence de 2 000 convives, les journaux de l’époque rapportent que les jardins des somptueuses demeures resplendissaient, et que tous en sont repartis éblouis de beauté. En juin 1939, il sera encore une fois aux premières loges, lors de la venue à Sherbrooke du couple royal d’Angleterre, George VI et de la Reine Elizabeth (mère d’Elizabeth II).

VIE PRIVÉE

Charles Benjamin Howard épouse, en premières noces, le 3 juin 1908, Alberta May Campbell (1887-1943) dont il aura quatre enfants : Benjamin-Campbell, Douglas-Stevens, Harold-Alfred et un enfant mort-né. Pendant 35 ans, son épouse a connu une vie sociale et politique très active en soutenant plusieurs organisations philanthropiques. De plus, on lui reconnaît des qualités indéniables d’hôtesse.  À ce moment, le Domaine se caractérise de lieu de réceptions et de mondanités. Alberta May y décède le 22 février 1943.

Le 22 septembre 1944, il épouse la veuve Klaire D. Shoup (1887-1953) de New York. Cette seconde épouse était cantatrice et musicienne et pendant son passage à Sherbrooke, le couple a largement encouragé les organisations musicales et culturelles. Cette dernière participera, entre autres, à la fondation de l’Orchestre Symphonique de Sherbrooke. Klaire décède en 1953 à sa résidence new-yorkaise, au retour de la célébration des Fêtes de Noël, passées à Sherbrooke, sa terre d’adoption.

Ultimement, en troisièmes noces, le 24 septembre 1959, Charles B. prend pour autre épouse Simone Lemieux Walters (1903-1984). Veuve et infirmière de carrière, celle-ci a su veiller aux bons soins du Sénateur qui souffrait depuis quelques années d’une santé chancelante. Dernière et fidèle compagne de vie, leur union a duré cinq ans, jusqu’au décès du Sénateur célébrissime.

LES DERNIÈRES ANNÉES

Après avoir consacré sa vie au bien-fondé de sa communauté, le Sénateur, vieillissant, habite le Domaine Howard, situé dans un environnement exceptionnel, avec vue sur la ville. C’est à cet endroit qu’il accueille des sommités de tous les milieux, à la fois industriel, culturel et politique, voire diplomatique.  À partir de 1962, il habitera au 221 de la rue Moore, toujours à Sherbrooke.

Le 1er janvier 1962, un mois seulement après le décès de son fils aîné, le Sénateur vend à la Ville de Sherbrooke ce qu’il reste de superficie du Domaine. Les 536,287 pieds carrés comprennent tous les bâtiments et le montant est fixé à 285 000 $. Charles B. Howard a laissé en héritage un joyau enchanteur en plein cœur de la ville; il fait aujourd’hui toute la fierté de la population.

Charles Benjamin Howard décède le 25 mars 1964, à l’âge de 78 ans. Aucun descendant direct du Sénateur n’est vivant aujourd’hui, à l’exception de sa petite-fille Joan Barbara Howard-Scace, fille de Douglas-Stevens Howard et de Effie Morrison (Maurie) Turner.

De nombreux notables et personnalités se sont déplacés en 1964 pour offrir leurs derniers hommages au Sénateur. En plus de nombreux et prestigieux notables, mentionnons les représentants de la presse et la population sherbrookoise qu’il a servie pendant de nombreuses années.

Prénommé « Charlie » par ses amis intimes et apprécié de plusieurs, il était fier de Sherbrooke et du Canada.  Il a dévoué sa vie durant au développement de sa ville, de sa province et de son pays, tant aimés. C’est ainsi que se termine la carrière de plusieurs décennies d’une des plus illustres personnalités de la société sherbrookoise.

Alors que le père du Sénateur, Benjamin Cate Howard, s’était porté acquéreur des titres du Domaine en 1913, lesquels ont été acquis par Charles B. Howard en 1921, puis cédés à la Ville de Sherbrooke en 1962, c’est maintenant le Rendez-vous d’Howard qui permet, plus de 100 ans plus tard, d’apprécier le passé… pour mieux bâtir l’avenir!

Le Domaine Howard

Vers 1910, dans le quartier nord de Sherbrooke, des lotissements sont créés à proximité́ de la nouvelle paroisse Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Le 22 mars 1913, monsieur Benjamin Cate Howard, le père de Charles Benjamin Howard, acquiert une partie du terrain de la British American Land Co. En partie boisés, les lots 82, 83 et 84 couvraient une superficie d’environ 12 acres. Ces terres allaient bientôt devenir le futur parc du Domaine-Howard.

L’intention de Benjamin Cate Howard est alors de mettre sur pied, à même ces lots boisés, un parc d’amusement, assorti d’un étang artificiel, d’un champ de courses, de jeux et de jardins variés. Le parc Howard, nommé aussi «Howardene», sera ouvert au public en 1914. Une équipe de 27 manoeuvres et jardiniers s’occupent des travaux sous la supervision de l’artiste paysager de renom, Frederick Gage Todd.

La Maison Bleue est la doyenne des bâtiments habités et ce, même avant la construction des deux manoirs.  François-Xavier Vanier, menuisier et machiniste, était déjà à l’emploi des Howard, depuis 1912.

Les somptueuses résidences ont été construites entre 1917 et 1923. Les travaux de construction débutent avec l’édification d’un premier bâtiment de pierre, l’actuel Pavillon 1, complété en 1920. Habitée initialement par Charles Benjamin Howard et par Alberta May, cette résidence compte 35 pièces sur quatre paliers. Notons que le 2e étage sera aménagé pour le confort des employés du Domaine qui y résideront. Le sous-sol de dix pièces comprend les chambres « à fournaises », les chambres de débarras, les lavoirs, une voûte et plusieurs espaces de rangement.

Le 11 octobre 1921, Charles B. achète de son père toute la superficie du Domaine pour la modique somme de 18 000 $. Presque au même moment, il fait construire un autre bâtiment à proximité de sa demeure qui qui sert de garage. Au sous-sol, la fournaise centrale chauffe les bâtiments.  Enfin, le premier étage de cinq pièces sert de logis aux concierges du Domaine Howard.

Le père de Charles B., Benjamin Cate Howard, débute en 1922 la construction de sa demeure, devenue à ce jour le Pavillon 2. Complétée en 1923, il ne l’habitera pas puisqu’il décède subitement en juillet, à l’âge de 57 ans. Cette résidence de 33 pièces, avec serre, logera dame Helen Eloïsa Salls Howard.  C’est la veuve de Benjamin Cate, jusqu’à son décès en 1941. Par la suite, le Pavillon 2 sera occupé pendant une bonne vingtaine d’années par le fils aîné du Sénateur, Benjamin « Bud » Campbell Howard, et par son épouse Dorothy Eleanor Holman.

Quant à Douglas-Stevens Howard, deuxième fils du Sénateur, il préfèrera habiter avec sa famille un peu en retrait des maisons principales, sur la rue de Vimy.

Édification 1917-1923

Les Pavillons 1 et 2 témoignent d’un style éclectique, lequel aura influencé l’architecture du Québec et des États-Unis au tournant du XXe siècle.

Les deux premiers pavillons illustrent davantage le type monumental-victorien, mêlant des éléments des styles victorien, français, anglais, roman et western américain.

Les plans sont préparés par l’architecte de renom Louis-Napoléon Audet qui, à cette époque, entreprend les travaux de la Cathédrale et de l’Évêché de Sherbrooke et du Couvent des Petites-Soeurs de la Sainte-Famille. Pour ce faire, il fait venir par train du Québec Central, le granit gris de Saint-Sébastien qui servira également à l’édification des résidences  du Domaine Howard.

Le Pavillon 3 illustre plutôt le style anglo-normand, selon le plan de l’architecte Philip A. Turner. D’autres bâtiments logent des employés, alors que des dépendances sont aménagées sur le site. Une serre victorienne s’ajoutera en 1926 à l’ensemble des demeures.

Culture

Le Rendez-vous d’Howard a toujours misé sur l’expression culturelle, afin de mettre en valeur les arts vivants, soit par le chant, la danse, les arts visuels, le théâtre et le conte. La musique, celle entre autres des peuples fondateurs des Cantons-de-l’Est, reste néanmoins au cœur des découvertes de l’événement annuel. Bon an mal an, celui-ci convie le public à se familiariser avec les us et coutumes si chers aux Irlandais, aux Écossais, aux Anglais, aux Canadiens-français et aux Premières Nations, invitées pour l’occasion.

Il s’agit tantôt d’un repas écossais, tantôt de la confection de tartes aux pommes ou d’une dégustation de scotchs et whiskys. C’est aussi le Thé à l’Anglaise, la démonstration de danses victoriennes et de quadrilles québécois ou encore la présentation de chants chamaniques. D’ailleurs, sur la colline, se dresse un tipi ou un wigwam, autour duquel se réunissent parfois des membres des Premières Nations.

Les guides-interprètes du patrimoine racontent également la petite et grande histoire de la Ville et des Cantons. Avec force expression, ils reproduisent les propos de certaines personnalités bien connues du Domaine.

En somme, les dernières années ont mis en lumière plus de 2 000 artistes, artisans et interprètes du patrimoine. Ajoutons à cette moyenne de 60 activités par année, tous genres confondus, des éditions plus modestes qui ont tout de même favorisé le rayonnement historique du parc du Domaine-Howard.

Le Rendez-vous d’Howard fait désormais partie des événements d’envergure présentés à Sherbrooke. Au fil des ans, il est devenu un ardent défenseur de ce qui caractérise encore aujourd’hui les Cantons-de-l’Est, voire les « Eastern Townships », une histoire haute en couleurs et riche de cohabitation.